Conférence Crédit Agricole du Nord-Est – FDSEA 51
1 septembre 2022Accompagner les adhérents vers la nouvelle PAC 2023-2027
24 novembre 2022Invités par la FDSEA 51 et le Crédit Agricole du Nord Est, le 5 septembre à la Foire de Châlons, Thierry Pouch, économiste et Arnaud Rousseau, président d’Avril ont livré leur vision sur l’avenir de l’agriculture. Malgré le contexte actuel anxiogène, ils entrevoient des opportunités.
Après le Coronavirus, le Coronavirusse
Thierry Pouch, chef du service des études économiques de l’Assemblée permanente des chambres d’agricultures (APCA), constate la difficulté à faire de la prospective sur les marchés agricoles quand on subit deux chocs mondiaux d’une ampleur inédite, avec des effets en cascade, comme le Coronavirus en 2020 et 2021, et le « Coronavirusse » en 2022. La Russie et l’Ukraine ont un impact énorme sur les échanges mondiaux de matières premières agricoles. De 2017 à 2021, ils ont représenté 28 % des échanges de blé, 32 % de la graine de tournesol, 78 % de l’huile de tournesol et 80 % des tourteaux.
En 2022, les niveaux de prix sur les marchés agricoles ont dépassé ceux de la période 2008-2012. En même temps, les agriculteurs voient leurs charges alourdies (engrais, énergie, aliment pour animaux). Pour autant, la France a des atouts non négligeables. Face à l’affaiblissement de la production agricole de l’Ukraine (-51 % pour le maïs, – 23 % pour le blé en 2022), la France n’a-t-elle pas une carte à jouer ? (voir encadré).
Tirer partie de la crise
Quand on lui demande sa vision de l’avenir, Arnaud Rousseau, président d’Avril Gestion, répond que « la sinistrose n’est pas sa tasse de thé et que la France a de formidables atouts ». En période de crise, il pense qu’il faut se remettre en question, se comparer à ses concurrents, profiter des atouts qu’ils n’ont pas et voir comment s’améliorer. « La période actuelle est très propice pour se questionner sur nos orientations stratégiques. Elle a permis de faire prendre conscience à nos politiques de l’importance stratégique de la souveraineté alimentaire pour la France ».
Le président de la République l’a lui-même affirmé. « On avait oublié que l’alimentation est une arme. Poutine l’a parfaitement compris », constate Arnaud Rousseau. Mais il considère que si l’on veut orienter l’agriculture et l’agroalimentaire, il faut une véritable ambition politique, des moyens réellement mis en oeuvre, un cadre réglementaire en phase avec la réalité du terrain et ensuite laisser une liberté d’action aux entreprises.
Transformer les filières
Arnaud Rousseau estime que les filières ont de grandes transformations à mener pour faire face à différents défis. Il faut adapter les productions au changement climatique, introduire de nouvelles cultures. Les sujets de la décarbonation des activités agricoles et des nouvelles énergies doivent être traités très rapidement. La question des prix des produits agricoles rémunérateurs pour les producteurs est également primordiale, même si la loi Egalim constitue un début de réponse. Cela passe par une nécessaire structuration des filières.
Autre défi : la préservation de la biodiversité. Il souligne les efforts entrepris de façon précoce par la profession agricole dans la Marne, sous l’impulsion de la FDSEA. « La crise climatique est une opportunité pour mettre un coup d’accélérateur sur l’innovation », assure Arnaud Rousseau. « Pour cela il faut laisser le temps à l’agriculture car le pas de temps de la recherche et de l’innovation est long dans le monde du vivant. Nous avons un relais de croissance énorme dans ce domaine. Il faut en même temps pratiquer de la sobriété sur les intrants et avoir des élus politiques suffisamment courageux pour lever certaines barrières, comme celles sur les OGM par exemple ».
Autre enjeu : la protéine végétale, un véritable marché émergent (voir encadré ci-dessous). Et de conclure que les efforts doivent être collectifs.
Carole Meilleur
Des perspectives pour l’avenir
Le Groupe Avril mise sur le développement de la culture du tournesol et annonce la prochaine ouverture d’une usine pour la production d’huile. Du côté du colza, Arnaud Rousseau évoque la nécessité de recherche en génétique pour obtenir des variétés moins gourmandes en azote et plus résistantes aux insectes.
« Il faut absolument garder et développer nos outils industriels. Si on ferme une usine, on sait très bien qu’on ne la rouvrira pas ! ». Arnaud Rousseau évoque d’autre part un marché émergent sur la protéine végétale. « C’est un mouvement de fond qui correspond à une demande sociétale. Il faut créer de la valeur et la capter pour les agriculteurs », assure-t-il , « mais il va falloir également nous challenger sur notre façon de consommer l’énergie ». Il pense que la rémunération de la captation du carbone est une réelle opportunité pour les agriculteurs qu’ils doivent saisir, sinon d’autres acteurs le feront à leur place.
S’agissant de l’élevage, il est convaincu qu’il y a encore de l’avenir pour l’élevage laitier, même si l’astreinte de la traite reste un obstacle. Concernant la viande bovine, en plus de l’astreinte, la difficulté réside dans la valorisation et la structuration de la filière avec beaucoup d’intermédiaires. Il pense que les français vont manger moins de viande mais de meilleure qualité, ce qui laisse envisager des perspectives pour les éleveurs.
N’oublions pas les atouts de notre agriculture
Thierry Pouch liste les points forts de l’agriculture française, que l’on a peut-être tendance à oublier en temps de crise :
- De crises en crises : une image des agriculteurs qui reste positive dans la population.
- Des producteurs en mesure d’opérer des transitions, d’innover.
- Une grande diversité de territoires et de productions.
- La réputation du Made in France… renforcée durant la pandémie… une agriculture comme socle de la sécurité alimentaire nationale.
- Une capacité à s’adapter aux mutations de la société française et à la demande mondiale.
- Un coût du foncier plus bas qu’ailleurs.
- Des organisations agricoles.
- Une histoire agricole : capacité à relever les défis collectivement.
- Un commerce extérieur agroalimentaire solide, qui se redresse… « Même s’il ne faut pas sous-estimer les freins et les obstacles » rappelle l’économiste.