Opération « corvidés » activée
16 mars 2022Guerre en Ukraine : les actions et demandes de la FNSEA
17 mars 2022Quelle a été la teneur de la discussion que vous avez eue avec Emmanuel Macron ?
Christiane Lambert : le président de la République a rappelé que les deux lois Egalim devaient s’appliquer pleinement. Parce que la rémunération des agriculteurs, un des éléments clés de la souveraineté alimentaire avec notre capacité de production, y est inscrite dans Egalim 2. Il tient, comme nous à la FNSEA, que tous les dispositifs mis en place soient appliqués même si certains jugent que c’est compliqué. Je regrette que certaines enseignes aient toujours les vieux réflexes de l’ancien monde et prennent aujourd’hui les industriels en otage. Il n’est pas acceptable qu’elles n’accèdent pas à leurs demandes de répercuter la hausse des prix. Le risque de perdre cet outil industriel et in fi ne les parts de marché qui en découlent est réel. Ce risque hypothèque clairement la production . Si l’on y réfléchit bien, la hausse du prix des matières premières est importante en début de chaîne. Soit. Mais en bout de chaîne ? Cela fait combien pour un litre de lait ou une baguette ? Deux centimes ? Je pense que le consommateur a les moyens de consentir cet effort.
Vous avez évoqué les moyens et capacités de production. Quel est le sentiment du chef de l’État sur ce thème ?
Christiane Lambert : Nous l’avons interpellé sur les surtranspositions que la France met en œuvre, sur les impasses phytosanitaires, le surcoût des Zones de non-traitement (ZNT), sur le plan pollinisateurs et le carcan des successions culturales. Il a été, je pense, sensible aux conséquences que toutes ces mesures peuvent générer sur les productions, et sur les coûts d’arrêt qu’elles engendrent. Car ce sont aussi ces décisions qui aggravent la décroissance de l’agriculture française. À ce titre, je regrette beaucoup que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) ne tienne pas compte des nouveaux outils performants et qu’elle appuie la conclusion de ses avis sur des matériels anciens et dépassés. Par ailleurs, Emmanuel Macron a été, je le crois, conscient que le temps de la recherche ne correspond pas au temps politique et au temps agricole. Nous lui avons fait comprendre, sur le dossier des néonicotinoïdes, qu’il fallait agir avec pragmatisme et ne pas s’interdire, en cas de besoin, de prolonger leur autorisation d’utilisation.
Ces règles ne méritent-elles pas d’être harmonisées au plan européen ?
Christiane Lambert : Bien entendu. C’est pourquoi nous souhaitons que la révision de la directive SUD sur les pesticides fasse l’objet d’un règlement et non plus d’une directive. En effet, la directive peut être transposée au plan national, avec des différences significatives entre les 27. Le règlement pourrait être plus contraignant, y compris en France mais l’avantage est que la règle sera commune à tous et qu’il n’y aura pas d’échappatoire pour y déroger. Il n’y aura plus, sur ce point de distorsion de concurrence. Il faut d’ailleurs en terminer avec cette instabilité et ces changements permanents. Les agriculteurs ont besoin de perspectives invariables, fermes pour pouvoir travailler sereinement et sur le long terme. Cela vaut aussi au plan juridique, sur le dossier des ZNT. À ce titre, nous allons sécuriser les chartes et tout faire pour qu’elles ne fassent pas l’objet de recours de la part des ONG. Dans le même esprit, nous allons faire pression sur les maires et les présidents d’intercommunalité pour faire respecter le principe de réciprocité inscrit dans la Loi Climat et résilience. En effet, cette loi précise que « chaque élu peut imposer à l’aménageur, dans une bande de 200 mètres, un espace de transition végétale non artificialisé ». Sur ce point, comme les autres, nous ne lâcherons rien.
Le président a-t-il évoqué avec vous les conséquences de la guerre en Ukraine ?
Christiane Lambert : Bien entendu. Il a évoqué un plan de résilience, qui prendra toutes les mesures nécessaires pour assurer la résilience et la résistance de nos exploitations agricoles, en construisant des réponses de court et moyen terme. Ce plan qui sera élaboré en association avec les organisations professionnelles agricoles, dont la FNSEA, permettra de sécuriser au maximum, les revenus, mais également l’approvisionnement en énergie et en intrants, afin de faire face aux conséquences économiques du conflit russo-ukrainien. Il est en effet important que nous nous dotions d’un bouclier alimentaire qui nous permette de produire en France et de produire en Europe. C’est aussi cela la souveraineté alimentaire. On ne peut pas nier qu’en cas de conflit, l’agriculture et l’alimentation sont des armes stratégiques.
Par Actuagri